ENVIRONNEMENT : Le projet de liaison ferroviaire Charles de Gaulle Express ne répond pas à un intérêt public majeur suffisant pour déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées
Catégories : Expropriation
Tags : expropriation, amenagement, travaux, avocat, autorisation, publique, protection, atteinte, enquete, environnement, CDG Express, environnementale, especes protegees, interet public
Initialement déclaré d’utilité publique en 2008, le projet de liaison ferroviaire directe de 32 kilomètres entre la Gare de l’Est et l’Aéroport Charles de Gaulle (dit Charles de Gaulle Express ou CDG Express) a suivi une procédure complexe d’autorisations administratives qui a conduit notamment à plusieurs expropriations.
La réalisation des travaux et l’exploitation du Charles de Gaulle Express portant atteinte à l’environnement, le projet devait aussi faire l’objet d’une autorisation environnementale (procédure intégrée rassemblant les autorisations nécessaires au titre des différentes lois de protection de l’environnement).
C’est ainsi qu’un arrêté inter-préfectoral du 11 février 2019 a accordé au projet CDG Express plusieurs dérogations notamment aux règles de protection de certaines espèces protégées (pour une cinquantaine d’espèces).
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement annulé l’autorisation environnementale du CDG Express en tant qu’elle permet de déroger à l’interdiction de porter atteinte à ces espèces protégées (TA Montreuil, 9 novembre 2020, jugement n°1906180).
En effet, au visa de l’article L 411-2 du code de l’environnement, le jugement rappelle le principe selon lequel :
« Un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »
Appliquant ce principe, la juridiction constate de sérieux changements dans les circonstances de fait qui justifiaient initialement ces dérogations au droit de l’environnement : avocat en expropriation
- Premièrement, le tribunal estime que « la crise sanitaire mondiale » a provoqué une très forte réduction de « l’activité aéroportuaire » qui ne peut pas actuellement être considérée comme « purement transitoire et conjoncturelle », et il n’est pas convaincu d’une rapide « reprise de la croissance du trafic aérien ». « En outre, il ne peut pas être sérieusement contesté que la ligne CDG Express devait… contribuer à la réussite des Jeux olympiques 2024, pour lesquels il est désormais acquis que cette infrastructure ne sera pas réalisée. ». Il en retient pour conséquence que « le projet litigieux ne peut être justifié ni par la raison impérative de suivre la croissance des flux de voyageurs, ni par celle d’honorer les prévisions du dossier de candidature de Paris à la manifestation sportive de 2024. » avocat
- Deuxièmement, le tribunal s’étonne que l’autorité administrative a justifié les dérogations aux règles de protection de l’environnement par l’objectif de « développement durable », « d’améliorer la desserte de l’aéroport en le dotant d’une liaison directe, rapide et fiable » et de réduire corrélativement la « saturation de la ligne de RER B » et les « ralentissements du trafic routier ». En effet, le jugement constate, d’après les pièces du dossier qu’en réalité « ce bénéfice attendu de la création de cette nouvelle ligne pour réduire la saturation du RER B et améliorer le confort des déplacements du quotidien est incertain » et qu’il n’est pas démontré que « le CDG Express aura des incidences sensibles en termes de réduction du trafic routier et, partant, des nuisances environnementales. » avocat spécialiste
En outre, toujours sur la base d’une analyse poussée des pièces du dossier, le tribunal administratif considère que l’autorité administrative ne démontre pas que « le CDG Express apportera une contribution significative au maintien de l’attractivité de la capitale et de sa région » et il souligne aussi que « la ponctualité du CDG Express ne peut être garantie ».
►Eu égard aux changements récents des circonstances de fait et aux incertitudes sur les avantages, le projet CDG Express ne peut être regardé comme constituant une infrastructure indispensable répondant à des raisons impératives d’intérêt public majeur
Par conséquent, selon la juridiction administrative, « Il résulte de l’ensemble des éléments mentionnés ci-dessus qu’eu égard aux changements récents des circonstances de fait, dont le caractère durable est impossible à apprécier avec une vraisemblance suffisante, et aux incertitudes sur les avantages, y compris de nature économique, susceptibles d’être effectivement procurés par le CDG Express, le projet litigieux ne peut être regardé, à la date du présent jugement, comme constituant une infrastructure indispensable, répondant, par conséquent, à des raisons impératives d’intérêt public majeur. »
Ainsi, le tribunal en déduit que « la dérogation accordée par l’arrêté litigieux méconnaît [l’article L 411-2 du code de l’environnement] dès lors qu’elle ne répond pas… à des raisons impératives d’intérêt public majeur ni au titre de la santé ou de la sécurité publiques ni à un autre titre. » et qu’il y a lieu d’annuler l’autorisation environnementale sur ce point. Gilles CAILLET avocat en expropriation
Cette décision provoque donc la suspension des travaux du CDG Express concernés par les dérogations annulées dans les zones protégées.
Gilles CAILLET est un avocat spécialiste des contentieux administratif contre tout arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique de cessibilité, autorisation environnementale et autres décisions administratives en matière d’expropriation.